chapitres 2 et 3
2
Deux armoires, deux lits, deux tables, deux chaises constituaient le mobilier de cette chambre qui allait être son « chez lui » pendant sept mois. Enfin, pas seulement le sien, puisqu’il allait devoir le partager avec un collègue.
Ce dernier avait d’ailleurs disposé en guise de bienvenue deux feuilles sur un lit et une table, avec ces seuls mots : « Ton lit », « Ta table ». Au cas où il n’aurait pas compris qu’une armoire pleine et un lit fait ne pouvaient être les siens ! Décidemment, l’hospitalité était une règle d’or dans ce lycée !
Il déposa et ouvrit ses valises sur la couche qui lui était ainsi assignée et commença à disposer ses affaires dans l’armoire vide dont les portes étaient entrebâillées et qu’il tenta en vain de fermer : le bois avait travaillé et il était impossible de faire pénétrer le pêne dans son logement. Il dut les coincer avec un morceau de carton en attendant de bricoler un système plus pérenne, car l’armoire ne possédait pas de clé non plus. Il regarda celle de son colocataire qui était dans le même état. Ce dernier avait placé un cadenas sur deux pitons. Il allait devoir en faire autant.
« Heureusement au moins que la chambre ferme et que je ne possède rien de valeur » se dit-il.
Il brancha son électrophone et plaça sur la table les quelques livres de poche qu’il avait pu transporter : « Pilote de guerre », « Terre des hommes » et « Citadelle » de Saint Exupéry, « Le Zéro et l’infini » d’Arthur Koestler, « Propos sur le Bonheur » d’Alain ainsi que « les Centurions » de Lartéguy qu’il était en train de lire. Il ne vit aucun livre dans le coin de son colocataire.
Il lui restait cinq minutes avant de se rendre dans la salle de restaurant des « pions ». Il mit un nouveau pantalon qu’il venait de sortir de la valise. Le vêtement était un peu froissé, mais il n’avait rien d’autre. Il enfila un col roulé léger à la place de sa chemise et il partit simplement en blazer, épargné par les intempéries, à la recherche de cette salle. Son trois quart qui répandait une odeur de chien mouillé dans la chambre était mieux à sécher devant le radiateur.
Cinq paires d’yeux le dévisagèrent quand il pénétra dans le réduit qu’un écriteau désignait pompeusement « salle de restaurant des maîtres d’internat», et qui n’était qu’une misérable pièce se trouvant juste en dessous d’un escalier qui devait permettre d’accéder à des dortoirs et qui ne pouvait accueillir qu’une seule table pour huit à dix personnes et un bahut surmonté par des casiers pour serviettes. En pénétrant dans la pièce, il entendit quelqu’un crier « immersion », en même temps qu’un des convives, profitant de la légère surprise causée par son arrivée, plaçait deux bouteilles de vin sous la table, entre ses jambes.
« Tu es le nouveau ?» Lui demanda un barbu au poil noir qui faisait un peu penser au capitaine Haddock et qui était habillé d’une combinaison de moto de la même couleur que sa barbe.
Devant le ridicule de la question, Jean se retint de répondre : « Non, je suis l’Ankou ». Il acquiesça d’un signe de tête et se présenta en serrant la main de chacun. Les formalités d’accueil se limitèrent à ce seul échange. Personne ne lui demanda qui il était, d’où il venait, à moins que ce fût déjà le secret de polichinelle. Les conversations reprirent en l’ignorant royalement.
Celui qui avait crié « immersion » servit régulièrement du vin rouge à ses collègues tout au long du dîner, avant de placer à nouveau la bouteille entre ses jambes. Il oublia systématiquement le verre de Jean.
« Était-ce un bahutage ? » Peu lui importait. Coureur de cross l’hiver et de quatre cent et huit cent mètres l’été, licencié au club de la Tour d’Auvergne de Rennes, il ne buvait que de l’eau, et comptait bien s’entraîner sérieusement pendant son séjour à Morlaix.
Dans tous les cas, il allait devoir tracer son territoire.
Il profita du repas pour observer discrètement ceux qui allaient être ses collègues pendant quelques mois. Tous semblaient bien plus âgés que lui. En plus de « Haddock », il y avait un grand dégingandé aux yeux de biche, un sosie de Jepetto, le père de Pinocchio, un rougeaud rond de partout, un maigrichon avec un visage de petit vieux, et un élégant tiré à quatre épingles, ressemblant à une gravure de mode anglaise. Il apprit par la suite que trois seuls suivaient réellement des études. Les autres, simplement inscrits dans diverses facultés brestoises, étaient des « étudiants au long cours », des surveillants à vie peut-être même pour certains.
Il en manquait deux, un fondu de sport d’après ce qu’il avait entendu dans la conversation, qui préférait son lit à la fréquentation de ses collègues au moment des repas, et son colocataire, Lucien Gontran. Ce dernier était à Brest chaque fois qu’il n’était pas de service, lui apprit son voisin de table, Hervé Le Braz, le petit noiraud à la barbe drue, et le seul à lui avoir donné son nom. Il s’avéra le plus cordial, mais sans excès : l’échange se résuma à cette seule déclaration. « Il est parti distribuer des tracts cocos à la sortie de Kerichen[1]...ou bien draguer la gueuse. Ce sont ses seules occupations connues… ». Il ne semblait visiblement guère l’apprécier.
Jean expédia rapidement le repas assez frugal et partit à la recherche de la salle où il allait devoir accueillir ses premiers élèves.
Le surgé avait marqué de deux croix sur le plan qu’il lui avait remis le lieu de son étude et de son dortoir. Ils étaient tous les deux excentrés par rapport à l’ensemble des bâtiments du lycée. Il aimait autant cela. Il les trouva facilement et il avait le temps avant le début de l’étude d’aller chercher un pyjama et un livre pour les déposer dans l’alcôve réservé aux surveillants dans le dortoir.
Quand il pénétra dans sa chambre, il sentit une odeur bizarre qu’il n’avait pas remarquée la première fois : sans doute parce que celle de ses vêtements mouillés la couvrait. Cela ressemblait à l’odeur qui régnait dans ces magasins qui vendaient du vin au détail, à partir de grands tonneaux. Mais il n’y avait aucune bouteille ouverte ni apparente dans la chambre. Il n’avait pas le temps d’approfondir, juste celui de rejoindre le dortoir et son étude.
Quand il arriva, les jeunes élèves pénétraient déjà dans la salle. Il les regarda s’installer derrière leurs bureaux. Ils défilaient devant lui en le regardant un peu effrontément. Leur curiosité était sans doute trop grande pour qu’ils puissent penser à le saluer, se dit-il.
Il y avait de l’électricité dans l’air. Un nouveau pion était l’évènement du jour ! A quoi ressemblait-il ? Était-il sévère ? Allaient-ils pouvoir le chahuter ?
Quand ils furent tous assis, Jean prit la parole.
- Comme vous vous en doutez, je suis votre nouveau surveillant. Je m’appelle Jean Landais, et je viens de Rennes. Nous allons d’abord faire connaissance. Je vais vous appeler un par un par ordre alphabétique, et vous vous lèverez pour que je puisse bien vous identifier.
Les garçons le regardaient fixement pendant son introduction, et la présentation commença en silence. Il sentait sur lui quarante-cinq paires d’yeux qui le jaugeaient. Arrivé à la lettre P, il appela :
- Josic Pendu.
Un grand éclat de rire collectif éclata, et l’intéressé rectifia en articulant et en mettant l’accent sur la première syllabe:
- Pèn’du, monsieur. Ici on dit Pèn’du.
- Bien, c’est entendu. Je m’en souviendrai, Pèn’du !
Et le garçon se leva comme un diable sortant d’une boite, comme propulsé par un ressort, et cria « présent ». Ce petit incident fut comme le déclic qu’attendaient les élèves : il déclencha un concert de cris, de rires, d’applaudissements et de bruits divers.
Jean Landais, lui aussi, attendait ce moment et laissa faire ; ce garçon était-il apparenté avec le surgé, et se sentait-il ainsi intouchable ? Etait-il le « comique » de la troupe et le meneur ? Jean se contenta de croiser les bras et de regarder les élèves un par un. Tout cela lui était trop familier. Ces enfants ne connaissaient pas son passé d’interne turbulent, parfaitement informé de toutes les ficelles de ce genre de chahut. Il chercha à repérer d’autres éventuels meneurs. Son attention fut attirée par le seul qui ne se déchainait pas, mais qui le regardait fixement, avec une lueur de défi et d’ironie dans les yeux. Jean en était certain, c’était lui qui avait déclenché ce premier chahut, mais sans se mettre lui-même en avant. C’était lui le chef d’orchestre.
Il dépassait ses camarades d’une tête et semblait chercher à se donner le style des personnages de West Side Story avec des cheveux artistiquement crantés, bien lissés et lustrés par une brillantine. « Un redoublant d’au moins deux classes » se dit Jean. Il ne l’avait pas encore nommé.
Devant son froid silence, les chahuteurs commencèrent à se calmer, le regardant même avec un peu d’inquiétude. « Pourquoi ne réagissait-il pas ? Que leur préparait-il ? » Le silence se fit peu à peu, et quand le calme fut totalement rétabli, il continua à les regarder les uns après les autres. Puis, au bout de deux minutes qui durent leur paraître très longues:
- Bon, après cet intermède amusant, nous pouvons continuer. Yves Rastol !
Ce dernier se leva, inquiet et craignant de devoir subir la colère du pion, puis il se rassit soulagé au nom du suivant.
- Léon Riou !
C’était le bon. Il se leva nonchalamment, en s’appuyant sur son bureau et en levant le bras droit tout en baissant la tête d’un air très fatigué, déclenchant les rires étouffés de ses camarades. Puis il se rassit en se laissant tomber en mettant sa main gauche sur le cœur, comme s’il venait d’être touché par une balle.
Jean fit celui qui n’avait rien remarqué et il continua tranquillement jusqu’au quarante cinquième, avant de leur dire simplement de se mettre à leurs devoirs.
3
Trois quart d’heure plus tard, la fin de l’étude ayant sonné, les élèves rangèrent leurs affaires et sortirent de la salle calmement. Mais arrivés au pied de l’escalier qui menait au dortoir, ils se lancèrent dans une course-bousculade qui se termina sur le palier. L’ardeur peu naturelle avec laquelle les garçons avaient fait claquer leurs sabots sur les marches de l’escalier en bois montrait assez qu’il n’y avait pas d’improvisation dans cette petite manifestation, et que ce n’était pas la façon habituelle d’accéder au dortoir. Ils continuaient à le tester.
Mais quand les premiers arrivés voulurent ouvrir la porte du dortoir, contrairement à l’habitude, ils la trouvèrent fermée.
Jean monta calmement l’escalier derrière eux, sous les regards des élèves toujours surpris de son manque de réaction. Il n’avait pas prévu ce petit chahut, mais il avait laissé un livre sur la table de son alcôve, et il avait fermé la porte du dortoir par précaution.
- Bien, maintenant que vous vous êtes bien amusés, vous redescendez les marches calmement, sans précipitation. Puis vous prenez vos sabots à la main et vous remontez à mon signal sur deux colonnes, une de chaque côté de l’escalier. C’est comme cela que vous monterez désormais au dortoir avec moi.
Quelques regards se tournèrent vers Léon Riou, comme pour voir sa réaction, mais le mouvement de descente était déjà amorcé. La remontée fut calme et ordonnée.
Un quart d’heure plus tard ils étaient pratiquement tous couchés, après avoir fait une toilette sommaire. Mais Jean Landais savait qu’ils n’attendaient qu’une nouvelle opportunité.
L’étage était divisé en trois parties. Sur le palier se trouvaient des toilettes. Une pièce, dans laquelle se trouvaient quatre grands lavabos métalliques collectifs parallèles équipés de robinets d’eau froide chacun, et ressemblant à des abreuvoirs, servait d’antichambre au grand dortoir au fond duquel, protégée sur trois côtés par un rideau bordeaux et adossée au mur, se trouvait une petite estrade de six mètres carrés qui était réservée au surveillant de dortoir.
Ils avaient un quart d’heure pour permettre aux plus courageux de faire une rapide toilette avant de se mettre au lit. Cette partie du dortoir était mal chauffée, et si le surveillant n’y prenait pas garde les élèves se dépêchaient de se mettre dans leurs draps sans se laver.
Quand tous furent couchés, Jean Landais éteignit les lumières. Après deux tours de dortoir, il se réfugia sur son estrade et attendit. Seuls quelques chuchotements s’élevèrent.
Il fit alors celui qui devait se rendre aux toilettes. Il simula la fermeture de la porte de communication avec la salle des lavabos, puis celle qui menait au palier. Il ouvrit et referma une porte de W.C. sans y entrer, et il revint doucement sur ses pas. Le chahut était déjà déclenché, avec des cris, des rires et des courses dans le dortoir. Il s’approcha lentement d’un grand panneau de commande des lumières. D’un seul mouvement avec son avant-bras, il éclaira brutalement le dortoir.
Ils furent tous surpris dans leur dernière position. La moitié des élèves se battaient avec leurs polochons, certains sur leurs lits, d’autres dans les travées. Riou termina le lancer qu’il s’apprêtait à faire en le faisant visiblement dévier vers lui, mais le polochon atterrit à trois mètres de sa cible.
Cette fois-ci, profitant de l’effet de surprise, il ne les fit pas attendre, et il leur ordonna de se mettre aux pieds des lits.
Certains eurent un moment d’hésitation quand il leur dit de s’habiller et de prendre leurs sabots à la main, mais le ton décidé du « pion », qui changeait avec l’attitude passive qu’il avait eu peu avant, ne les fit pas hésiter longtemps, chacun cherchant à se noyer dans l’anonymat du collectif.
Jean leur ordonna ensuite de descendre lentement les escaliers sur deux colonnes.
Arrivés en bas, il leur fit mettre leurs sabots et leur dit de commencer à courir sur une colonne autour de la cour.
Circulation alternée route de la Wantzenau
Par suite de travaux sur le trottoir devant la boulangerie VEIT, la circulation est alternée.
Une si belle nature à la Robertsau et, malgré cela...des sauvages...
Il n'est point nécessaire d'aller très loin pour bien profiter de notre environnement naturel. Nous avons un très joli sentier qui débute près de l'entrée du cimetière nord pour rejoindre les bords de l'Ill.
Et pourtant, elle est tellement maltraitée par les hommes. Ce matin, en faisant mon circuit habituel, j'en ai constaté deux manifestations: un tas de feuilles regroupées par la ville qui se transforme peu à peu en dépotoir, et toujours ce scandale de l'assèchement de la nappe phréatique pour assurer les fondations d'un grand immeuble route de la Wantzenau.
CAFE CULTUREL AU CENTRE SOCIAL ET CULTUREL L'ESCALE
DEUXIEME CAFE CULTUREL du 6 décembre 2013, 18 heures :
DU SUSPENSE A LA ROBERTSAU
Animé par Suzanne BRAUN Professeur à l'Université Populaire Européenne de Strasbourg, docteur en histoire de l’art. Suzanne Braun se consacre à l’étude de l’architecture et de la sculpture, et ouvre ses champs d’application jusqu’aux créations du XXe siècle. Elle s’intéresse aussi très largement à l’étude des arts et traditions populaires.
Elle a renouvelé par des méthodes archéologiques la chronologie des édifices romans de l'Alsace. Elle est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'art roman, notamment Sculpture Romane en Alsace (2002), Art roman en Lorraine (2005) et Architecture romane en Champagne (2008).
Elle présentera ses ouvrages sur les grandes affaires criminelles du Bas Rhin et du Haut Rhin entre le milieu du XIXème siècle et les années 80 du XXème siècle.
Son premier invité sera Jean Luc EVRARD, alias John BORING , directeur adjoint exécutif à l’institut de biologie moléculaire des plantes. Ce Robertsauvien, passionné de technologie, d’aviation et de photographie présentera un thriller « Un Monde sous Influence ».
Son deuxième invité, Jacques HAMPE, photographe professionnel, restitue par ses clichés, les ambiances et les mystères propres à chaque lieu. Il a illustré des ouvrages et DVD d’art (l’Alsace romane, l’Alsace le nez en l’air, l’Alsace des Traditions, les Eglises de Strasbourg etc…de Suzanne BRAUN). Il a exposé dans différentes médiathèques, en particulier à Sélestat et Fernay. Certaines de ses œuvres seront présentées dans le cadre du Café Culturel.
Enfin Etienne BARDON, est connu et reconnu, à Strasbourg, en particulier à la Robertsau, pour les belles prestations de son orchestre, l'Ensemble Instrumental Volutes. Il dirige également une autre institution strasbourgeoise : la Philharmonie.
Clarinettiste, il interprètera des œuvres de Crousier, compositeur contemporain.
Le TRAM et la "Robertsau-village"
Le 14 novembre à 20 heures, le collectif pour un transport collectif respectant les hommes et le coeur historique de la Robertsau a réuni dans le Centre Social et Culturel l'Escale plus de monde que sa présidente Christine Geiler avait pu envisager : preuve qu'il ne faut jamais désespérer des hommes de bonne volonté et de l'attachement des Robertsauviens à leur quartier.
Christine Geiller a développé les raisons pour lesquelles, selon le collectif, le TRAM doit s'arrêter au sud de la rue Mélanie, et proposé une alternative, tenant compte du devenir de notre quartier, de la protection de notre environnement et de l'identité de la Robertsau.
La position de deux candidats validant cette position (Fabienne Keller et François Loos) a été évoquée.
L'absence des représentants de la classe politique et du Conseil de Quartier qui voit ses derniers jours, a été notée.